Les conséquences du Ségur de la santé sur la gouvernance et le financement de l’hôpital

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Les conséquences du Ségur de la santé sur la gouvernance et le financement de l’hôpital

Le Ministre des solidarités et de la santé a dévoilé le 21 juillet 2020 les 33 mesures retenues au terme du cycle de négociations du Ségur de la Santé ouvert le 25 mai.

Les conséquences de ces mesures sur le financement et la gouvernance de notre système hospitalier s’appréhendent essentiellement sur 4 niveaux :

    • l’ONDAM,
    • l’investissement à l’hôpital,
    • la réforme du mode de financement des établissements de santé,
    • et le rééquilibrage de la gouvernance hospitalière.

Sur l’ONDAM, tout d’abord, les revalorisations salariales accordées lors du Ségur de la Santé nécessitent de réévaluer de façon pérenne la trajectoire des dépenses entrant dans le champ de l’ONDAM. Ainsi, à champ constant, la hausse de l’ONDAM en 2021 représente 14 milliards d’euros (Md€) supplémentaires au titre des seules mesures Ségur (+6%) par rapport à 2020. Au total, l’ONDAM est fixé dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2021 à 224,6 Md€ contre 205,6 Md€ dans le PLFSS 2020 initial. En parallèle, Olivier VERAN a saisi en juillet 2020 le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM), afin qu’il lui propose une évolution l’ONDAM pour améliorer cet outil de régulation du système de santé, pour en faire non seulement un outil au service d’une trajectoire de finances publiques, mais aussi et surtout d’une politique de santé.

En matière de soutien à l’investissement hospitalier, ensuite, le PLFSS 2021 prévoit la création d’un fonds transversal pour la modernisation et l’investissement en santé (FMIS), conformément aux orientations du Ségur de la Santé, afin d’allouer 6 Md€ d’investissements sur 5 ans aux établissements de santé publics et aux établissements médico-sociaux. Ce plan d’investissement comprend également 13 Md€ consacrés au refinancement d’un tiers de la dette des établissements assurant le service public hospitalier, pour redonner des marges de manoeuvre aux hôpitaux. Un comité national d’investissement en santé, associant les élus territoriaux, sera créé en remplacement du COPERMO pour fixer les grandes orientations nationales pour l’investissement, préconiser les critères de répartition d’enveloppes financières dédiées à l’investissement entre les régions et dialoguer avec les ARS.

En outre, le Ministre des solidarités et de la santé a confirmé les orientations du Plan Ma Santé 2022 visant à réformer le mode de financement hospitalier pour réduire la place de la Tarification à l’Activité (T2A) au profit de modes de financements complémentaires : financements au parcours, dotations, financement à la qualité. L’objectif d’ici la fin du quinquennat est d’accélérer les expérimentations en cours dans les territoires afin de franchir un nouveau cap pour diversifier les modes de financement des activités hospitalières. Le PLFSS 2021 mettra en oeuvre les premières mesures, avec notamment la réforme du financement des urgences en créant un système de dotation socle populationnelle.

Enfin, en ce qui concerne la gouvernance hospitalière, le Ségur de la santé a pour ambition 11 ans après la réforme de la loi HPST de « réhabiliter » le rôle et la place du service au sein de l’hôpital et donner plus de souplesse dans le fonctionnement des établissements. Afin de redonner plus de place au service, le Ségur prévoit de développer les délégations de gestion accordées aux pôles et aux services dans chaque établissement, pour augmenter leurs marges de manoeuvre dans la gestion des ressources humaines ou le choix des investissements courants. Le Ministre des solidarités et de la santé souhaite également rendre plus participatif le cadre de nomination du chef de service en systématisant les appels à candidatures ainsi qu’une présentation du projet de service par les candidats aux personnels du service et un vote de la CME. Enfin, le Ségur de la santé a pour ambition de « remédicaliser » la gouvernance hospitalière, en redonnant du sens et redéfinissant les missions des CME afin de leur conférer un rôle clef dans l’élaboration du projet médical de l’établissement et d’étendre le périmètre des décisions sur lesquelles elles sont consultées pour avis. À l’échelle de l’institution hospitalière, l’objectif est également de permettre l’expérimentation de modalités alternatives d’organisation de la gouvernance allant par exemple jusqu’au regroupement de la CME et de la commission des soins.
Les textes législatifs et réglementaires mettant en oeuvre ces orientations devront être votés en 2021.

Malik ALBERT, Directeur d’hôpital, Centre Hospitalier Princesse Grace, Monaco ; Enseignant à l’Université de Nice.

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