Protection des données de santé, lutte contre l’épidémie et « tracking » : où en est-on ?

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Protection des données de santé, lutte contre l’épidémie et « tracking » : où en est-on ?

fleche La protection des données en temps de crise sanitaire

Dans le cadre de la lutte contre l’épidémie, les nouvelles technologies apparaissent comme des moyens innovants et sans doute efficaces pour identifier les personnes malades et tracer la propagation de l’épidémie.

Toutefois, les données de santé étant des données sensibles, seules les autorités sanitaires peuvent les collecter sous leurs propres responsabilités conformément à l’article 9 du Règlement Général sur la Protection des Données. Les entreprises qui seraient tentées de mettre en place un système recueillant des données (recueil de température corporel, sérologie…) se heurteront donc à ces dispositions de protection.

fleche Sur l’application de tracking souhaitée par le Gouvernement

A l’heure où la problématique du déconfinement se pose, le ministre des solidarités et de la santé et le secrétaire d’Etat chargé du numérique ont expliqué réfléchir au développement d’une application mobile dénommée « StopCovid » destinée à « limiter la diffusion du virus en identifiant des chaînes de transmission ».

Toutefois, si des données de santé peuvent être collectées par les autorités sanitaires, la mise en place d’une telle application comporte deux principales limites (selon notamment la Délibération de la CNIL n° 2020-046 du 24 avril 2020) :

  1. Les objectifs de l’utilisation de cette application doivent rester proportionnées à leur atteinte : l’application ne doit pas être trop intrusive et avoir un caractère temporaire. Par conséquent, si l’application doit pouvoir être utilisée pour une durée strictement nécessaire au traitement de la crise sanitaire, celle-ci doit également permettre à l’utilisateur de supprimer ses données quand bon lui semble.
  2. L’utilisation de cette application doit être basée sur le volontariat : l’utilisateur doit consentir de façon éclairée à télécharger cette application et ne doit pas voir ses libertés réduites s’il refuse de télécharger ou d’utiliser cette application.

Outre ces limites relatives aux libertés individuelles, cette application voit son efficacité mise à mal dans la mesure où celle-ci dépend du nombre d’utilisateurs. Seule une adhésion suffisamment massive, évaluée par une étude de l’université d’Oxford à au moins 60% de la population, favoriserait son efficacité.

Or, en France, seuls 44% des plus de 70 ans disposeraient et utiliseraient un smartphone (contre 98% chez les 18-25 ans) de sorte que les personnes considérées comme à risque ne pourront pas utiliser efficacement cette application censée les protéger…

Outre un smartphone permettant de télécharger des applications, l’utilisateur doit également bénéficier d’une couverture réseau de bonne qualité.

En conclusion, bien que ce projet présente des limites légales mais aussi techniques, le gouvernement ne semble pas vouloir l’abandonner. Toutefois, la décision 2020-800 du 11 mai 2020 rendue par le Conseil Constitutionnel obligera le gouvernement à revoir sa copie. En effet, par cette décision, le Conseil Constitutionnel censure les dispositions relatives au recueil des données de santé. Si recueillir des données est possible sans le consentement des personnes concernées puisque motivée par la protection de la santé, le fait que ces données soient accessibles par des accompagnants sociaux viole le principe de respect de la vie privée.

Caroline KAMKAR, Avocat au Barreau de Lille, Docteur en Droit.

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