Retard ou défaut dans la prise en charge d’un malade à l’hôpital : quelles responsabilités en cas de grève ?

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Retard ou défaut dans la prise en charge d’un malade à l’hôpital : quelles responsabilités en cas de grève ?

L’article L. 1142-1 du Code de la santé publique applicable dispose « Hors le cas où sa responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, un professionnel de santé n’est responsable des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soin qu’en cas de faute ».
Ainsi, le professionnel de la santé est soumis à une obligation de moyens lui imposant de dispenser des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science.
Il n’est en revanche pas tenu d’atteindre un résultat, de parvenir à la guérison du patient, et seule une faute dans l’exécution des soins médicaux, rapportée par le patient demandeur, est donc de nature à déclencher sa responsabilité.
La preuve d’une faute ne suffit toutefois pas à engager la responsabilité du praticien, encore faut-il démontrer l’existence d’un dommage source d’un préjudice et d’un lien de causalité direct et certain entre la faute commise et le préjudice invoqué (conditions cumulatives).

Il résulte de ces principes que la responsabilité d’un établissement de santé se trouve engagée pour faute simple chaque fois que des erreurs sont commises dans l’organisation et le fonctionnement du service.
Ainsi, un retard de prise en charge dont l’origine serait imputable à l’établissement du fait d’une négligence fautive, d’un défaut d’organisation, ou de l’absence de protocole sur les conduites à tenir en cas d’indicent, pourrait être de nature à engager la responsabilité d’un hôpital ou d’une clinique.

En outre, la notion de perte de chance, bien ancrée dans le droit médical, pourrait également être invoquée dans le cadre d’un retard de prise en charge imputable à une carence dans l’organisation des soins, ayant pour conséquence d’altérer la santé du patient ou de diminuer ses possibilités de récupération.

En cas de grève au sein de l’établissement de santé, les principes issus du droit de la responsabilité médicale continuent de s’appliquer.
Ainsi, est constitutif d’un défaut d’organisation du service le refus d’admettre, en raison d’un mouvement de grève affectant le service, un patient victime d’une phlébite sans examen ni soins médicaux
(CAA Paris, 6 février 1997, « Centre hospitalier du Lamentin », n° 95PA00570). En l’espèce, la circonstance invoquée par l’hôpital que le fonctionnement du service a été perturbée par une grève exonérant sa responsabilité n’a pas été retenue au motif, d’une part, que cette grève était bien celle du personnel hospitalier (et non d’éléments syndicaux extérieurs à l’établissement) et que, d’autre part, un service minimum avait été prévu par le chef d’établissement et que le patient aurait pu être dirigé vers le service des urgences de l’établissement qui fonctionnait avec un effectif minimum.

Pour assurer la continuité des soins, les établissements de santé ont l’obligation d’organiser un service minimum, avec un effectif de sécurité correspondant, selon la jurisprudence, à celui d’un dimanche ou d’un jour férié, en recourant si besoin à des assignations ou réquisitions d’agents. Pendant la durée de la grève, le directeur d’un établissement de santé devra :

  • faire respecter la sécurité physique des patients, tout en assurant la continuité des soins et des prestations hôtelières ;

  • éviter les blocages et limiter les reports afin d’assurer la cohérence des parcours patients et prises en charges ;

  • faire assurer la conservation des installations et du matériel hospitaliers.

En cas de mouvement de grève pour une cause extérieure à l’établissement de santé, qui aurait vocation à retarder la prise en charge d’un patient, la responsabilité de l’hôpital n’est pas censée être engagée, sauf s’il est démontré une attitude fautive du fait d’un défaut d’organisation, dans le cas où le directeur n’aurait pas fait toutes les diligences nécessaires en temps et en heure pour assurer la continuité des soins.

En dehors de cette hypothèse, il est important de rappeler qu’en cas de force majeure (survenue d’un évènement imprévisible, irrésistible et extérieur à la personne qui l’invoque), de fait de la victime de nature à engager sa propre responsabilité, ou de fait d’un tiers, la responsabilité d’un établissement de santé pourra être partiellement ou totalement exonérée.

Malik ALBERT, Directeur d’hôpital, Centre Hospitalier Princesse Grace, Monaco ; Enseignant à l’Université de Nice.

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