Le durcissement des conditions d’attribution des ATU nominatives par la LFSS pour 2020
L’article 44 de la LFSS pour 2020 comporte plusieurs dispositions modifiant le régime des autorisations temporaires d’utilisation (ATU). Alors que le II de cet article porte sur les modalités de versement des remises par les laboratoires lors de la sortie du dispositif, seul le I, destiné à mieux réguler le nombre d’ATU nominatives (ATU-n) sera évoqué ici.
Selon l’étude d’impact, le coût des ATU dépasse un milliard d’euros (contre à peine 100 millions il y a quelques années), notamment du fait des ATU-n. Si le nombre de celles-ci a tendance à diminuer (21 633 octroyées en 2018, contre 22 295 en 2017), le prix librement fixé par les laboratoires atteint parfois des niveaux très élevés (supérieurs à 2 millions d’euros par patient). En outre, à la différence des ATU de cohorte (ATU-c), ces derniers n’ont pas l’obligation de s’engager à déposer une demande d’AMM.
La LFSS modifie donc l’article L.5121-12 du Code de la santé publique en durcissant les conditions d’attribution des ATU-n.
- Ainsi, le médicament concerné doit présenter une « efficacité cliniquement pertinente » et « un effet important » pour le patient, et non plus seulement un bénéfice.
- La délivrance est également conditionnée à des conséquences graves pour le patient, fortement probables en l’état des thérapeutiques disponibles.
L’adverbe « fortement » a été ajouté s’agissant de la présomption d’efficacité et de sécurité exigée en l’état des connaissances scientifiques.
En outre, les conditions de recevabilité des demandes d’ATU-n sont révisées afin de faire en sorte que celles-ci ne soient plus possibles pour un médicament pour lequel une demande d’ATU-c a été refusée ou pour lequel seule une demande d’essais cliniques en France a été déposée. En l’absence de demande d’AMM ou d’ATU-c ou d’engagement du titulaire d’en déposer une dans un délai maximal déterminé par décret, des essais cliniques devront être conduits en France.
Enfin, le nombre total d’ATU-n délivrées pour un même médicament ne pourra pas dépasser un seuil fixé par arrêté (non paru à ce jour).
Ces dispositions, très critiquées par les associations de patients (voir le communiqué de France Assos Santé du 2 décembre 2019), sont applicables aux demandes d’autorisation déposées à compter du 1er mars 2020.
Vincent VIOUJAS, Directeur d’hôpital, chargé d’enseignement à la Faculté de droit et de sciences politiques d’Aix-en-Provence, chercheur associé au Centre de droit de la santé (UMR 7268 Aix Marseille Univ, CNRS, EFS, ADES).