À quoi correspond le « forfait de réorientation » des patients dans les services d’urgences, expérimenté pendant 2 ans à partir d’avril 2020 ?
Face à la crise sans précédent que traversent les Services d’urgence, le Ministère des solidarités et de la santé entend répondre aujourd’hui par une nouvelle approche de ces problématiques spécifiques en publiant, au Journal officiel du 9 janvier 2020, un « Avis relatif à un appel à projet concernant l’expérimentation nationale pour l’usage du forfait de réorientation aux urgences hospitalières ».
Il s’agit là d’une des réponses du Gouvernement qui fait face à une grève inédite démarrée en mars 2019 et toujours pendante.
Cet appel à projet s’inscrit dans le cadre général du programme d’innovation en santé prévu :
- à l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 ;
- à l’article 43 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 ;
- et par l’arrêté du 27 décembre 2019 paru au Journal Officiel du 3 janvier 2020 relatif à l’expérimentation du forfait de réorientation des patients dans les services d’urgence.
Le « forfait de réorientation » a pour objectif d’alléger les services d’urgences en incitant les hôpitaux à rediriger vers la médecine libérale les patients jugés non urgents ou dont la pathologie ne relève pas d’une prise en charge immédiate.
Sous la houlette des ARS, cette expérimentation sera menée dans environ 30 établissements pour une durée de deux ans à compter du 1er avril 2020.
Le but du dispositif est d’inciter les acteurs hospitaliers et libéraux à travailler de concert afin de proposer au patient un parcours de soin mieux adapté, pour ne pas dire optimisé, à la réalité pathologique de situation. Il s’agit, in fine, de pouvoir cibler 5 à 10 % des patients admis de manière inadéquate au sein des urgences hospitalières et qui pourraient, sans risque quant à la qualité de la prise en charge, être réorientés vers la médecine de ville.
Partant, l’appel à projet a pour objectifs de :
- Désengorger les services concernés par une moindre fréquentation des urgences hospitalières pour les cas les plus simples permettant aux équipes soignantes de se recentrer sur les cas plus complexes ;
- Recréer, sinon accroître les liens entre le secteur hospitalier et la médecine de ville.
Une convention sera établie avec les médecins libéraux partenaires.
Pour promouvoir et inciter cette démarche, un « forfait de réorientation » de 60 € sera donc versé à l’établissement de santé lorsqu’un patient sera réorienté vers un praticien de ville, une maison médicale ou une maison médicale de garde. Il se substituera à tous les autres éléments de rémunération de l’établissement (ATU, actes et consultations) sans avoir, en revanche, d’impact sur le forfait d’accueil aux urgences (FAU).
Pour les praticiens libéraux qui accepteront ce conventionnement (et dont les cabinets seront « alimentés » par les services d’urgence), il leur sera interdit de facturer la majoration d’urgence (MU) en plus de la consultation et/ou des actes.
Le patient, quant à lui, sera exonéré de reste à charge sur le forfait de réorientation.
En pratique :
- la décision de réorientation sera prise par un médecin senior (chef de clinique assistant ou praticien hospitalier) après étude du questionnaire d’admission du patient,
- la décision de ce médecin senior impliquera la prise de rendez-vous en médecine de ville sous la forme d’un bulletin de réorientation précisant la date, l’heure et le lieu de la prise en charge en secteur libéral.
- le patient gardera toujours la possibilité de refuser la réorientation.
Les enseignements de cette expérimentation alimenteront la préparation de la réforme du financement des services d’urgence, qui entrera en vigueur en 2021.
Thibault GONGGRYP, Avocat au Barreau de Marseille, Docteur en Droit, Chargé de cours magistral à la Faculté.