Vers une remise en cause ou un affinement de la définition des infections nosocomiales ?

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Vers une remise en cause ou un affinement de la définition des infections nosocomiales ?

Le régime de la responsabilité en matière d’infection nosocomiale est posé par l’article L.1142-1 du Code de la santé publique qui prévoit notamment que « Les établissements, services et organismes (dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins) sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère ».

Le caractère nosocomial de l’infection et l’existence d’une « cause étrangère », exonératoire de cette responsabilité de plein droit a donné lieu à diverses interprétations par la doctrine et la jurisprudence, qu’elle soit civile (pour les établissements privés de santé) ou administrative (pour les établissements publics de santé).

Par un arrêt du 21 juin 2013 (n°347450), le Conseil d’Etat est venu préciser que « seule une infection (qu’elle soit endogène ou exogène) survenant au cours d’une prise en charge et qui n’était ni présente, ni en incubation au début de la prise en charge peut être qualifiée de nosocomiale » (voir aussi, dans le même sens, Conseil d’Etat, 23 décembre 2015, n°375286).

Allant plus loin, dans un arrêt du 23 mars 2018 (n°402237), le Conseil d’Etat est venu confirmer cette jurisprudence tout en précisant que le caractère nosocomial de l’infection doit être écarté lorsque cette infection n’est pas la conséquence des actes pratiqués dans le cadre de la prise en charge du patient ou de son séjour dans l’environnement hospitalier, mais résulte de la pathologie qui a nécessité l’hospitalisation du patient.

En l’espèce, l’infection contractée au cours du séjour hospitalier par la patiente qui avait été admise en raison d’un accident vasculaire cérébral (AVC) avait été causée par la régurgitation du liquide gastrique qui avait pénétré dans ses bronches en raison d’un trouble de la déglutition consécutif à son AVC.

Ainsi, il ressort de cette nouvelle jurisprudence qu’il ne suffit pas que l’infection se déclare au cours ou au décours de l’hospitalisation pour être qualifiée de « nosocomiale ». Encore faut-il qu’elle ait été causée par un acte pratiqué dans le cadre de la prise en charge ou du séjour hospitalier du patient pour engager la responsabilité de l’hôpital.

Pour les établissements de santé publics, le Conseil d’Etat a donc redéfini les contours de la définition de l’infection nosocomiale. Le caractère nosocomial d’une infection est désormais lié au fait que l’infection a été causée par les soins ou le séjour dans l’environnement hospitalier. À charge pour l’établissement d’apporter la preuve de l’absence de lien avec les soins ou le séjour.

Pour les établissements de santé privés/les praticiens libéraux, la Cour de cassation considère que l’infection est dite nosocomiale à partir du moment où elle est consécutive aux soins et que seule la cause étrangère peut exonérer le professionnel ou l’établissement de santé de sa responsabilité.

Force est de constater qu’il est utile que les professionnels de santé connaissent cette évolution, qui implique une définition différente de l’infection nosocomiale suivant le lieu où ils exercent.

Maître Danièle GANEM-CHABENET, Avocat au Barreau de Paris.

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