La lourde sanction du défaut d’information des patients par les médecins
Le défaut d’information des patients par les médecins constitue non seulement une faute déontologique (article R.4127-35 du Code de la santé publique) mais également une faute civile (article L.1111-2 du Code de la santé publique), exposant les médecins à des sanctions disciplinaires et/ou des dommages et intérêts en réparation du préjudice en résultant.
La réparation du préjudice pour défaut d’information et le fondement de la responsabilité des médecins ont fait l’objet de plusieurs revirements de jurisprudence ces dernières années, allant dans le sens d’un alourdissement des sanctions et de la responsabilité en découlant.
Ainsi, depuis l’arrêt Mercier du 20 mai 1936, la responsabilité médicale reposait sur un fondement exclusivement contractuel. En cas de manquement à l’obligation d’information sur les risques d’un acte médical, pour obtenir une indemnisation des conséquences dommageables, il appartenait au patient de démontrer que ce défaut d’information lui avait fait perdre une chance d’échapper au risque, en le privant d’exercer un choix.
Par un arrêt du 3 juin 2010, la Cour de Cassation, créant un durcissement des sanctions en cas de défaut d’information, a reconnu un préjudice distinct de la perte de chance. Elle a en effet estimé que le défaut d’information implique une atteinte à la dignité du patient qui doit être nécessairement réparée, même si aucune perte d’une chance n’est établie.
Ce préjudice moral qui résulte d’un défaut d’impréparation aux risques encourus et du ressentiment éprouvé à l’idée de ne pas avoir consenti à une atteinte à son intégrité corporelle doit donc être réparé sur le fondement de la responsabilité délictuelle.
Allant plus loin encore, par un arrêt du 25 janvier 2017, la Cour de Cassation a retenu que le défaut d’information sur les risques inhérents à un acte médical peut justifier la réparation de deux préjudices distincts mais cumulables, le premier tenant à la perte de chance, le deuxième tenant au préjudice moral d’impréparation au dommage. Ainsi, désormais, en l’état actuel de la jurisprudence, la réparation du patient repose à la fois sur le fondement de la responsabilité contractuelle (pour perte de chance, si celle-ci est établie) et sur celui de la responsabilité délictuelle (pour impréparation).
Compte tenu des lourdes sanctions pécuniaires encourues, l’information des patients par les médecins sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles inhérents aux actes médicaux qu’ils proposent, doit être au coeur de leurs priorités dans la prise en charge des patients et faire l’objet d’une traçabilité efficiente.
Maître Danièle GANEM-CHABENET, Avocat au Barreau de Paris.