Secret médical et risque terroriste
La lutte contre le terrorisme est la préoccupation majeure du Ministre de l’Intérieur. La possibilité de développer des protocoles d’échanges d’informations entre le Ministère de l’Intérieur et les médecins, et plus particulièrement les psychiatres, a été évoquée face à une suspicion de radicalisation ou de menace terroriste. Dans ces circonstances, les médecins peuvent-ils déroger à leur obligation au secret professionnel ? Dans le cas contraire, convient-il d’envisager une nouvelle dérogation au secret médical ?
Le principe du secret médical est posé dans le code de la santé publique (aux articles L.1110-4 et R.4127-4) et est sanctionné pénalement en cas de non- respect (article 226-13 du Code pénal). Il comporte des dérogations pour des situations très encadrées et dont la finalité est de protéger la société en cas de danger probable. Les situations visées sont uniquement les suivantes :
- Saisine du Procureur de la République lorsque le médecin veut empêcher, par son action immédiate, un crime, un délit contre l’intégrité corporelle d’une personne (article 223-6-1er alinéa du Code pénal) ;
- Information au Préfet, et à Paris, au Préfet de police, du caractère dangereux pour elle-même ou pour autrui de la personne, qui consulté un médecin, et dont il sait qu’elle détient une arme ou qu’elle a manifesté son intention d’en acquérir une (article 226-14 3° du Code pénal).
Dans son rapport « Risque terroriste et secret professionnel du médecin » (Janvier 2017), le Conseil National de l’Ordre des médecins estime que « ces dérogations peuvent être regardées comme suffisantes pour couvrir l’ensemble des situations auxquelles les médecins sont susceptibles de se trouver confrontés au regard du risque de passage à l’acte terroriste sous tout type de forme ».
Plus complexe est la situation où un médecin s’interroge sur l’évolution du comportement de son patient : il suspecte qu’il soit en voie de radicalisation ou il s’aperçoit qu’il est radicalisé et a un comportement dangereux.
Deux cas de figure sont ici à envisager :
- Le médecin reçoit des confidences d’un patient qui l’informe de la situation d’un proche en voie de radicalisation ou radicalisé : il devra l’engager à se rapprocher du Centre national d’Assistance et de Prévention de la Radicalisation.
- Le patient est lui-même en voie de radicalisation ou radicalisé et le médecin se pose en conscience le devoir le faire savoir et donc de lever le secret médical : un échange préalable avec son Ordre départemental est encouragé pour analyser la situation rencontrée. Si le patient est mineur, une dérogation au secret professionnel, contenue à l’article L. 226-2-2 du Code de l’action sociale et des familles, prévoit la possibilité pour le médecin de transmettre à la Cellule de recueil des informations préoccupantes du département les informations strictement nécessaires concernant le mineur.
En l’état actuel du droit et tant qu’une nouvelle dérogation au secret ne sera pas prévue par la Loi, le médecin n’est donc pas autorisé à révéler aux autorités administratives ou judiciaires des informations sur ce qu’il a pu observer ou entendre dans son exercice professionnel ou à l’occasion de celui-ci. Si, sur réquisition judiciaire, il lui est demandé de communiquer des renseignements couverts par le secret, il doit le refuser. Dès lors, l’autorité judiciaire décidera si d’autres mesures doivent être prises, telles que la saisie de documents ou la perquisition du cabinet médical par exemple.
Le nécessaire respect de ces règles de déontologie médicale qui s’impose à tout médecin a été rappelé dans le communiqué de presse du 24 Août 2017 par le Conseil national de l’Ordre des médecins.
Cécile BISSONNIER, Docteur en droit, Juriste responsable de la section santé publique, Conseil National de l’Ordre des Médecins