Situations de maltraitance : le rôle des médecins
Lorsque les médecins se trouvent face à une situation supposée ou avérée de maltraitance, ils se sentent souvent tiraillés entre respecter le secret auquel ils sont tenus et aider leur patient sur le plan médical et psychologique ou se délier de ce secret, en dénonçant la situation aux autorités compétentes.
Aussi, il convient de rappeler que malgré le caractère absolu du secret auquel le médecin est tenu, les articles 226-14 du Code pénal et R.4127-44 du Code de la santé publique prévoient expressément une dérogation dans deux hypothèses :
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Lorsque la victime est mineure ou est majeure mais n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique, le médecin doit informer les autorités judiciaires, médicales ou administratives lorsqu’il constate des privations, des sévices ou des atteintes sexuelles.
En pratique, le médecin doit alerter le Procureur de la République (joignable 24h/24h) et peut également alerter parallèlement la cellule de recueil des informations préoccupantes. Pour ce faire, le médecin peut rédiger un courrier dans lequel il indique ce qu’il a constaté. En aucune manière il ne peut imputer les sévices à un tiers sauf à reprendre avec prudence les dires de son patient (utilisation du conditionnel et des guillemets).
Des modèles de signalement sont mis à disposition par le Conseil National de l’Ordre des Médecins pour aider les praticiens :
– Pour les mineurs
– Pour les personnes majeures vulnérablesEn aucun cas la responsabilité du médecin ne pourra être engagée si les sévices ne sont pas avérés dès lors que le signalement a été fait de bonne foi.
Cependant, la responsabilité pénale du médecin pourra être engagée s’il s’abstient de prévenir les autorités judiciaires et/ou administratives en présence d’une telle situation. -
Lorsque la victime est majeure, son consentement au signalement est nécessaire. La mission principale du médecin va être d’établir un certificat médical afin de constater la maltraitance qu’il remettra uniquement à son patient. Il convient de rappeler que le médecin ne peut relater que les constatations qu’il a faites. Il ne peut affirmer que son patient subit des actes de maltraitance sans l’avoir constaté. Tout au plus, il peut reprendre les propos de son patient avec grande prudence (utilisation du conditionnel, des guillemets). Face à une telle situation, le médecin doit également accompagner son patient dans les démarches en lui conseillant de déposer plainte ou en l’orientant vers des structures d’aide (association, assistance téléphonique…).
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Il est pourtant à noter que ces dispositions sont susceptibles d’évolution. En effet, suite au Grenelle contre les violences conjugales, auquel l’Ordre des Médecins a participé, l’Ordre a été favorable à la possibilité pour le médecin d’informer le Procureur de la République, sans l’accord de la victime, en présence de violences conjugales lorsque la victime se trouve dans une situation d’urgence vitale.
Caroline KAMKAR, Avocat au Barreau de Lille, Docteur en Droit.